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118 L’AME ENCHANTEE

put rester jusqu’au bout. Elle sortit, torturée. Sa tête était en feu. Elle avait la bouche amère. Elle remâchait son tourment. La passion dédaignée lui rongeait les entrailles.

Elle alla dans les prairies qui entouraient l’hôtel ; mais elle ne pouvait s’éloigner ; elle tournait toujours autour de cette salle illuminée. Le soleil était couché. L’obscurité tombait. Un instinct d’animal lui fit jalousement flairer la porte par où, certainement, tous deux allaient sortir. Une petite porte de côté, qui permettait aux acteurs, sans traverser la salle, de regagner le magasin d’habillement, dans l’autre aile de la maison. — En effet, ils sortirent ; et, sans aller plus loin, ils s’attardèrent dans l’ombre de la prairie, à causer. Cachée derrière un bouquet d’arbres, Annette entendit Sylvie, qui riait, qui riait…

— Non, non, pas cette nuit !

Et Tullio insistait :

— Pourquoi ?

— D’abord, je veux dormir.

— On a bien le temps de dormir !

— Non, non, jamais assez !…

— Eh bien, la nuit prochaine.

— Les autres nuits, c’est pareil. Et puis, je ne suis pas seule, la nuit. On est guetté !

— Alors, ça ne sera jamais ?