Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/176

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place à d’élégantes toilettes, dont la note fantasque savait habilement, disaient-elles, relever l’ennui de sa laideur endormie. Les méchantes langues ajoutaient que c’était sa fortune plus que ses yeux qu’on courtisait. — Mais, quant à ses toilettes, l’artifice charmant n’en devait pas être attribué à Annette : le goût et l’esprit de Sylvie avaient tout fait. Et, sans doute, Annette était un « beau parti » ; mais si sa petite cour, certes, en tenait compte, c’était plutôt la nuance de respect dont se marquaient leurs hommages qu’on devait attribuer à cette considération. Moins pourvue par la fortune, ils ne l’eussent pas moins, mais plus hardiment poursuivie.

L’appât était plus profond. Annette, sans être coquette, était suffisamment servie par ses instincts. Riches et forts, ils n’avaient pas besoin qu’on leur dit ce qu’il fallait faire : leur action était sûre, car la volonté ne s’en mêlait pas. Tandis que, souriante, engourdie, comme tassée dans sa vie intérieure, elle se laissait aller au flot agréable d’une songerie indistincte, qui ne l’empêchait pas de voir et d’entendre, en un vague voluptueux, son corps parlait pour elle ; une puissante attraction s’exhalait de ses yeux, de sa bouche, de ses membres frais et robustes, de la jeunesse de son être chargé d’amour, comme une glycine en fleur. Le