Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/178

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groupés ensemble. Cet instinct, comme on vit par la suite, n’était pas très résistant. L’injustice sociale se borna pour lui à une seule injustice. Exemple en avait été, entre mille, ce Rivière, que les iniquités du monde n’empêchaient pas de dormir, qui même avait su conclure, sans troubles de conscience, de fructueuses affaires avec le Sultan, au temps que Sa Hautesse opérait froidement, dans le silence de l’Europe complaisante, le premier massacre des Arméniens, — et qui, très sincèrement, avait été bouleversé par la fameuse Affaire. Il ne faut pas trop demander aux hommes ! Quand ils ont combattu pour la justice, une fois dans leur vie, ils sont époumonnés. Du moins, ils ont été justes, un jour : il faut leur en savoir gré. Ils s’en savent gré, eux-mêmes. La société de Rivière, les familles dont les fils étaient aujourd’hui les amoureux d’Annette, n’avaient aucun doute sur les mérites qu’ils s’étaient acquis dans le championnat du Droit, et sur l’inutilité de les renouveler par des efforts nouveaux. Ils restaient, une fois pour toutes, l’équipe du Progrès, les bras croisés. D’esprit assez apaisé, d’ailleurs, sur le terrain international, à cette heure passagère où les luttes civiques avaient à peu près éteint les haines nationales, part un vieux tison d’anglophobie, que la guerre des Boers faisait encore