Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/186

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moins cet art que les autres, où il était devenu un très fin connaisseur. Attaché à la direction des musées nationaux, il s’était fait un renom précoce, comme écrivain d’art. Autant que les tableaux, il savait observer les figures vivantes, de son regard paresseux, pénétrant, insolent, indulgent. Et, parmi les jeunes hommes qui courtisaient Annette, il était celui qui lisait le mieux en elle. Elle le savait bien. Quelquefois, au sortir d’une de ses songeries distraites, où, dans un entretien, elle suivait de tout autres pensées que celles qu’elle exprimait, elle rencontrait ses yeux curieux, qui avaient l’air de lui dire :

— Annette, je vous vois nue.

Et le plus étonnant, c’est qu’elle n’en était pas gênée, elle, la pudique Annette. Elle avait envie de répondre :

— Comment me trouvez-vous, ainsi ?

Ils échangeaient un sourire d’intelligence. S’il la voyait sans voiles, c’était de peu d’importance : elle savait qu’elle ne serait jamais à lui. Marcel lisait cette certitude en elle. Il n’en était pas troublé. Il pensait :

— On verra bien !

Car il connaissait l’autre.

L’autre, — Roger Brissot, avait été son camarade de lycée. Franck s’expliquait parfaitement qu’Annette le préférât… Pour commen-