Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/206

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Annette ; mais on ne reste pas tout à fait insensible à l’opinion flatteuse que d’autres ont de vous, surtout lorsque ces autres semblent les messagers de l’être qu’on chérit. Il était difficile de douter qu’il n’en fût pas ainsi : car les dames Brissot mêlaient sans cesse le nom de Roger à leurs propos. Elles entrelaçaient ses éloges à ceux d’Annette ; elles faisaient des allusions souriantes, persistantes, à l’impression produite sur lui par Annette, à des paroles qu’elle lui avait dites, et qu’il s’était hâté de redire avec enthousiasme — (il redisait tout : Annette était fâchée, mais tout de même touchée). — Elles faisaient valoir son brillant avenir ; et Madame Brissot prenait un ton pénétré, pour dire son espoir, sa confiance, que Roger trouvât — qu’il eût trouvé — la compagne digne de lui. Elle ne nommait personne, mais on se comprenait. Toutes ces petites ruses étaient visibles de vingt pas, à l’œil nu. Elles voulaient l’être. C’était une sorte de jeu de société, où l’on devait parler autour du mot que chacun avait sur la langue, sans jamais le prononcer. Le sourire de Madame Brissot semblait guetter le mot, prêt à sortir, sur les lèvres d’Annette, comme pour crier :

— Un gage !

Annette souriait, ouvrait la bouche. Mais le mot ne sortait pas…