Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/209

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vaient discrètement l’infructueux entretien. On les voyait parfois, traversant le salon, souriantes et affairées. Elles jetaient, en passant, quelque mot amical ; mais elles ne s’arrêtaient pas. Et les deux jeunes gens poursuivaient leurs longues causeries.

Un soir qu’ils feuilletaient distraitement un album, qui leur était un prétexte pour rapprocher leurs têtes, en échangeant à mi-voix leurs pensées, il se fit un silence ; et subitement, Annette perçut le danger. Elle voulut se lever ; mais le bras de Roger déjà lui entourait la taille ; et la bouche passionnée du jeune homme lui prenait la bouche entr’ouverte. Elle essaya de se défendre. Mais comment se défendre contre soi-même ! Ses lèvres rendirent le baiser, en voulant s’y arracher. Elle se dégageait pourtant, quand on entendit, à l’autre bout du salon, la voix émue de Madame Brissot, qui claironnait :

— Ah ! ma fille chérie !…

Et elle appelait :

— Adèle !… Monsieur Brissot !…

Annette, stupéfaite, se vit, en un instant, entourée par la famille Brissot, rayonnante, attendrie. Madame Brissot la couvrait de baisers, en s’épongeant les yeux avec son mouchoir, et répétait :

— Aimez-le bien !