Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/218

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jamais… Et puis… Et puis, il m’aime trop. Il voudrait me manger…

(Sylvie éclata de rire.)

— … C’est vrai, me manger toute, me manger toute ma vie, toute ma pensée à moi, tout l’air que je respire… Oh ! c’est un bon mangeur, mon Roger ! Il fait plaisir à voir, à table… Il a bon appétit… Mais, moi, je ne veux pas être mangée.

Elle riait aussi, de bon cœur ; et Sylvie riait, à son cou, assise sur ses genoux. Annette reprit :

— C’est affreux de se sentir dévorée, comme cela, toute vivante, de n’avoir plus rien à soi, de ne pouvoir plus rien garder… Et il ne s’en doute pas… Il m’aime à la folie, et j’ai idée, vois-tu, qu’il n’a pas cherché seulement à me comprendre, il ne s’en inquiète même pas. Il vient, il prend, il m’emporte…

— Eh bien, c’est rudement bon ! dit Sylvie.

— Tu ne penses qu’à des bêtises ! dit Annette, la serrant dans ses bras.

— Et à quoi veux-tu que je pense ?

— Au mariage. C’est une chose sérieuse.

— Sérieuse ! Oh ! bien, pas si sérieuse !

— Quoi ! ce n’est pas sérieux de donner tout de soi, sans rien réserver ?

— Et qui est-ce qui parle de ça ? Il faudrait être fou !