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— La seule grandeur du mariage, dit Annette, est l’amour unique, la fidélité de deux cœurs. S’il la perd, que lui reste-t-il, en dehors de quelques avantages pratiques ?

— Ce n’est pas rien, fit Marcel.

— Ce n’est pas assez, dit Annette, pour compenser ses sacrifices.

— Si vous jugez ainsi, de quoi vous plaignez-vous ? Vous rivez vos fers, dont on essaie de vous délivrer.

— La liberté que je veux, dit Annette, n’est pas celle du cœur. Je me sens assez forte pour le garder intact à qui je l’ai donné.

— En êtes-vous si sûre ? demanda Marcel, tranquillement.

Annette n’en était pas si sûre ! Elle connaissait aussi le doute. C’était la fille de sa mère qui parlait, en ce moment, ce n’était pas Annette tout entière. Mais elle ne voulait pas l’admettre, surtout avec Marcel, et dans une discussion. Elle dit :

— Je le veux.

— La volonté en ces affaires !… fit Marcel, avec son fin sourire… C’est comme si l’on décrétait qu’un feu rouge est un feu vert. L’amour est un phare à feux changeants.

Mais Annette, entêtée, dit :

— Pas pour moi !… Je ne veux pas !

Elle sentait parfaitement, et avec la même