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Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/230

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Elle eut une angoisse, elle essaya de se raisonner :

— Non, non, je ne le veux pas, je ne le suis pas…

Une sueur nerveuse lui mouillait les épaules. Elle dit :

— Demain, je parlerai sérieusement à Roger. Il faut qu’il me connaisse. Il faut que nous voyions loyalement si nous pouvons vivre ensemble…

Mais, le lendemain venu, elle eut tant de plaisir à retrouver Roger, à se laisser envelopper de sa chaude affection, à respirer ensemble l’enivrante douceur de la campagne printanière, à rêver du bonheur — (impossible peut-être, mais qui sait ? qui sait ?… peut-être tout proche… il n’y a qu’à tendre la main…) — qu’elle remit au lendemain les explications… Et puis, au lendemain… Et puis, au lendemain…

Et, chaque nuit, les angoisses la reprenaient, lancinantes, avec des coups au cœur…

— Il faut, il faut parler… Il le faut pour Roger… Chaque jour il s’enchaîne et m’enchaîne davantage. Je n’ai pas le droit de me taire. C’est le tromper…

Dieu ! Dieu ! qu’elle était faible !… Pourtant, elle ne l’était pas, dans la vie ordinaire. Mais le souffle de l’amour est comme ces vents charids, dont la langueur brûlante vous casse les