Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/257

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Annette revint, déçue. Elle avait beaucoup espéré d’un franc entretien. Bien qu’elle eût prévu les résistances, elle comptait sur le cœur de Roger pour éclairer son esprit. Le plus affligeant n’était pas que Roger ne l’eût pas comprise, mais qu’il n’avait pas fait le moindre effort pour la comprendre. Il ne semblait avoir rien vu du pathétique de la question pour Annette. Il était tout en surface, et voyait tout à son image. Rien ne pouvait être plus sensible à une femme d’une forte vie intérieure.

Elle ne se trompait pas. Roger avait été interloqué, agacé par les propos d’Annette ; mais il n’en avait pas du tout entrevu le sérieux ; il les jugeait sans conséquence. Il pensait qu’Annette avait des idées bizarres, un peu paradoxales, qu’elle était « originale » : c’était fâcheux. Madame et Mademoiselle Brissot savaient être supérieures, sans être « originales ». Mais on ne pouvait exiger cette perfection chez tous. Annette avait d’autres qualités, — que peut-être Roger ne mettait pas aussi haut, mais auxquelles (il faut le dire) il