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268 L'AME ENCHANTEE

Elle dégageait Roger de toute promesse envers elle, et reprenait sa liberté. Au reste, ils ne s’étaient pas liés. Tout avait été loyal entre eux. Ils devaient se séparer loyalement, en amis…

Elle fixait, en parlant, les herbes à ses pieds ; elle prenait bien garde de ne pas voir Roger. Mais, tandis qu’elle parlait, elle entendait sa respiration qui haletait, et elle eut grand’peine à aller jusqu’au bout. Quand elle eut achevé, elle se risqua à le regarder. Elle fut saisie, à son tour. Le visage de Roger était comme d’un homme qui se noie : rouge, soufflant bruyamment ; il n’avait pas la force de crier. Il agita gauchement ses mains crispées, chercha, retrouva son souffle, gémit :

— Non, non, non, non, je ne peux pas, je ne peux pas…

Et il éclata en sanglots.

D’un champ à la lisière, on entendait venir la voix d’un paysan, le soc d’une charrue. Annette, bouleversée, prit Roger par le bras, l’entraîna hors du chemin, dans les taillis, plus loin, au milieu de la forêt. Roger, sans force, se laissait conduire, répétant :

— Je ne peux pas, je ne peux pas… Mais qu’est-ce que je vais devenir ?…

Elle essayait tendrement de le faire taire. Mais il était submergé par son désespoir : la