Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/283

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ANNETTE ET SYLVIE 277

s’attribuait aussi, maintenant, le droit de faire sentir son autorité, — dans l’intérêt d’Annette. Il jugeait qu’en se donnant, Annette ayant abdiqué, la situation n’était plus tout à fait égale entre eux et qu’il devait maintenant exiger le mariage. Annette voyait trop que, s’il l’épousait à présent, il s’estimerait mille fois plus justifié qu’avant à la tenir en tutelle. Certes, elle lui savait gré de sa correcte insistance. Mais… elle refusa. Roger en fut secrètement irrité. Il ne la comprenait plus… (Il pensait l’avoir jamais comprise !)… Et il la jugea sévèrement. Il ne le montra point. Mais elle le devina, avec un mélange de tristesse et d’ironie, — et de tendresse toujours… (C’était toujours Roger !…)

Près d’arriver, elle mit sa main gantée sur la main de Roger. Il tressaillit :

— Annette !

Elle dit :

— Pardonnons-nous !

Il voulut parler ; il ne put. Leurs mains restèrent serrées. Ils ne se regardaient pas ; mais ils savaient que tous deux retenaient leurs larmes, prêtes à couler…

Ils étaient à la station : ils devaient s’observer. Roger installa Annette dans son wagon. Elle n’était pas seule dans le compartiment. Il fallut se borner à de banales amitiés ; mais