Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/36

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l’ayant méconnue, d’avoir ajouté aux tristesses de cette vie sacrifiée.

Dans le même tiroir, côte à côte, dormaient d’autres paquets de lettres, — (certaines même détachées, mêlées aux lettres de la mère) — que la tranquille légèreté de Raoul avait réunies ensemble, comme, dans sa vie de ménage multiple, il avait fait des correspondantes.

Cette fois, le calme imposé d’Annette se vit soumis à une difficile épreuve. De tous les feuillets de la nouvelle liasse, des voix se faisaient entendre, bien autrement intimes et sûres de leur pouvoir que celle de la pauvre madame Rivière : elles affirmaient sur Raoul leurs droits de propriété. Annette en fut révoltée. Son premier mouvement fut de froisser dans sa main les lettres qu’elle tenait, et de les jeter au feu. — Mais elle les en retira.

Elle regardait, hésitante, les feuilles déjà mordues par la flamme, qu’elle venait de reprendre. Certes, si elle avait de bonnes raisons, tout à l’heure, pour ne pas vouloir s’introduire dans les querelles passées entre ses parents, elle en avait encore de meilleures pour vouloir ignorer les liaisons de son père. Mais ces raisons ne comptaient pour rien, maintenant. Elle se sentait personnellement atteinte. Elle n’eût pas su dire comment, à quel titre, pourquoi. Immobile, penchée, fronçant le bout