Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/38

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Avec répulsion, — (non sans attrait aussi), — elle voyait passer ces liaisons amoureuses, dont elle n’avait rien su. Elles formaient un troupeau fantasque et bigarré. Le caprice de Raoul, en amour comme en art, était « couleur du temps ». Annette reconnaissait certains noms de son monde ; et elle se rappelait, avec hostilité, les sourires, les caresses, qu’elle avait reçus jadis de telle des favorites. D’autres étaient d’un niveau social moins relevé ; l’orthographe n’en était pas moins libre que les sentiments exprimés. Annette accentuait sa moue ; mais son esprit, qui avait les yeux vifs et railleurs, comme ceux du père, voyait l’application comique de celles qui, penchées, un frison sur les yeux, tirant le bout de la langue, faisaient galoper leur plume sur le papier. Toutes ces aventures, les unes un peu plus longues, les autres un peu moins longues, jamais très longues en somme, passaient, se succédaient ; et l’une effaçait l’autre. Annette leur en savait gré, — froissée, mais dédaigneuse.