Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/46

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dain, les retira, faisant un geste d’accueil, aimable, mais réservé. Annette entra, essayant, mais en vain, de parler. Sylvie se taisait aussi. Elle lui offrit une chaise ; et, passant un peignoir à raies bleues usagé, elle s’assit en face d’elle, sur son lit. Toutes deux se regardaient ; et chacune attendait qui allait commencer…

Qu’elles étaient différentes ! Chacune étudiait l’autre, avec des yeux aigus, exacts, sans indulgence, qui cherchaient : « Qui es-tu ? »


Sylvie voyait Annette, grande, fraîche, la face large, le nez un peu camus, le front de jeune génisse sous la masse des cheveux châtain d’or en torsades, les sourcils très fournis, des yeux larges bleu-clair qui affleuraient un peu et qui, étrangement, parfois se durcissaient, par ondes venues du cœur ; la bouche grande, lèvres fortes, un duvet blond au coin, habituellement fermées, en une moue défensive, attentive, butée, mais qui, lorsqu’elles s’ouvraient, pouvaient s’illuminer d’un ravissant sourire, timide et rayonnant, qui transformait toute la physionomie ; le menton, comme les joues, pleins, sans empâtement, solidement charpentés ; la nuque, le cou, les mains, couleur de miel foncé ; une belle peau bien ferme, baignée par un sang pur. Un peu lourde de taille, le buste un peu carré, elle avait les seins larges