Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/55

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que son amour pour le père émigrait en Sylvie, et qu’il l’y retrouverait… Mais Annette savait bien qu’elle en prenait congé.

Impérieux grondement de l’amour nouveau, qui crée et qui détruit… Les souvenirs du père, impitoyablement, furent écartés de la vue. Les objets familiers, relégués — avec tous les égards — dans l’ombre pieuse de chambres où ils ne couraient pas risque d’être souvent troublés. La houppelande, remisée au fond d’un vieux placard. Après l’avoir enfouie, Annette l’en retira, indécise, y appuya sa joue, puis, soudain, rancunière, la rejeta. Illogisme de la passion ! Qui des deux trahissait ?…

Elle s’était éprise de la sœur qu’elle avait découverte. Elle ne la connaissait guère ! Mais, du moment qu’on aime, cette incertitude n’est qu’un attrait de plus. Le mystère de l’inconnu s’ajoute au charme de ce qu’on croit connaître. De Sylvie entrevue, elle ne voulait retenir que ce qui lui avait plu. Elle convenait en secret que ce n’était pas très exact. Mais quand, honnêtement, elle tâchait de revoir les ombres du portrait, elle entendait les petites savates trotter dans le couloir ; et les bras nus de Sylvie se nouaient autour de son cou.

Sylvie allait venir. Elle l’avait promis… Annette préparait tout, afin de la recevoir. Où la ferait-elle entrer ? — Là, dans sa jolie