Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que Sylvie n’arrivât point, avant que tout fût en ordre ! — Mais Sylvie ne se pressait point ; et Annette eut le temps de défaire et refaire, et encore, et encore, ses petits arrangements. Elle trouvait Sylvie bien lente à venir ; mais elle en profitait pour corriger quelque chose à ses plans. Inconsciente comédie ! Elle se dupait, en attribuant une importance à ces riens. Toute cette agitation de rangements, de dérangements, n’était qu’un prétexte pour se donner le change sur une autre agitation de pensées passionnées, qui troublaient l’ordre habituel de sa vie raisonnée.

Le prétexte s’usa. Cette fois, tout était prêt. Et Sylvie ne venait point. Annette l’avait déjà reçue dix fois, en imagination. Elle s’épuisait à attendre… Elle ne pouvait pourtant pas retourner chez Sylvie ! Si, allant la revoir, elle lisait dans les yeux ennuyés de Sylvie qu’on se passait bien d’elle ! À cette seule idée, l’orgueil d’Annette saignait… Non, plutôt que cette humiliation, ne la revoir jamais !… Pourtant… Elle se décidait, hâtivement, s’habillait pour chercher l’oublieuse. Mais elle n’avait pas fini de boutonner ses gants qu’elle se décourageait ; et, les jambes cassées, elle se rasseyait sur une chaise du vestibule, ne sachant plus que faire…

Et, juste à cet instant, — affaissée près de la