Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

64 L’AME ENCHANTÉE

Leurs deux bras se serrèrent. Elles se mirent à bavarder des courses qu’elles venaient de faire. Elles étaient toutes joyeuses. Au milieu d’un récit passionnant d’une Exposition de blanc, au Bon Marché, où l’une était allée, où l’autre devait aller, — dans le vacarme d’une rue qu’elles traversaient, se glissant entre les voitures, avec le sur instinct de deux petites Parisiennes, Sylvie murmura à l’oreille d’Annette :

— Tu ne m’as pas embrassée !…

Un mouvement brusque d’Annette faillit les faire écraser. En abordant le trottoir, sans cesser de marcher, leurs deux becs se joignirent… Elles allaient maintenant, plus étroitement serrées, dans une rue plus calme, qui menait… Où menait-elle ?…

— Où est-ce que nous allons ?

Elles s’arrêtèrent, amusées de constater que, dans leur bavardage, elles s’étaient égarées. Sylvie, agrippant Annette, dit :

— Déjeuner ensemble.

Annette se défendait, — (l’imprévu la charmait, mais la gênait un peu : elle était méthodique), — parlant de sa vieille tante, qui là-bas l’attendait. Mais Sylvie ne s’embarrassait pas de ces menus détails : elle s’était emparée d’Annette, et ne la lâcherait pas. Elle la fit téléphoner d’un bureau à la tante, et elle l’emmena