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72 L'AME ENCHANTÉE

qu’elle n’observait l’expression du visage, du corps et de la voix.

Annette avouait maintenant la souffrance jalouse, que lui avait apportée la découverte de la seconde famille que son père lui avait cachée, et le bouleversement où la jeta l’existence de cette rivale, de cette sœur. Avec sa franchise brûlante, elle ne dissimula rien de ce dont elle rougissait ; sa passion se réveillait, tandis qu’elle l’évoquait ; elle dit :

— Je t’ai haïe !…

d’un accent si emporté qu’elle s’arrêta, saisie du son de sa voix. Sylvie, beaucoup moins émue, mais très intéressée, sentait contre sa joue frémir la main d’Annette, et pensait :

— Il y en a du feu, là dedans !

Annette avait repris la suite des aveux qui lui coûtaient. Et Sylvie se disait :

— Est-elle drôle de tout me raconter !

Mais elle sentait croître pour l’étrange grande sœur un respect, certes moqueur, mais infiniment tendre, qui lui faisait frotter câlinement son visage contre la paume fraternelle…

Annette, dans son récit, en était venue au point où l’attrait de la sœur inconnue s’était emparé d’elle, malgré sa résistance, et où, pour la première fois, elle avait vu Sylvie. Mais ici, la franchise ne put vaincre l’émotion de