Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/80

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À partir de ce jour, les deux sœurs se virent constamment. Il ne se passa plus de semaine qu’elles ne se réunissent. Sylvie venait le soir, à Boulogne, surprendre Annette. Plus rarement, Annette retournait chez Sylvie, Par une convention tacite, elles s’arrangeaient de façon qu’Annette ne pût rencontrer l’ami. Elles adoptèrent un jour régulier pour déjeuner ensemble à la crémerie, et jouaient à se donner rendez-vous, çà et là dans Paris. Elles avaient autant de joie l’une que l’autre, à se retrouver ensemble. Ce devint un besoin. Les jours où on ne s’était pas vues, les heures se traînaient, la vieille tante ne parvenait pas à rompre le mutisme d’Annette, et Sylvie, maussade, turlupinait l’ami, qui n’en pouvait mais. La seule chose qui permît de tolérer l’attente était la pensée de tout ce qu’on aurait à se dire, quand on se reverrait. Cela ne suffisait pas toujours ; et jamais Annette ne fut aussi heureuse qu’un soir, passé dix heures, quand Sylvie sonna à la porte, disant qu’elle n’avait pu attendre au lendemain