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Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/85

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ANNETTE ET SYLVIE 79

d’un petit air de supériorité, (pas fâchée dans le fond, de l’émotion produite), qu’elle bâclait des costumes bon marché pour des entrepreneuses de confections, elle ourlait des petites robes, elle cousait des pantalons d’hommes — (elle bouffonnait en le racontant). — Mais Annette ne riait point. Serrant de près son enquête, elle découvrait que sa sœur courait à droite, à gauche, pour trouver du travail, et qu’elle en acceptait parfois d’exténuant, de rebutant. Maintenant, elle comprenait pourquoi la petite, « depuis quelque temps », lui paraissait pâlie… Pourquoi elle était restée plusieurs jours sans venir, donnant de mauvais prétextes, des mensonges absurdes, afin de passer sans doute une partie de la nuit à s’user les doigts et les yeux à sa couture… Sylvie continuait de conter, à sa façon railleuse d’indifférence affectée, ses petites mésaventures. Mais elle vit les lèvres de sa sœur qui tremblaient de colère. Et brusquement, Annette éclata :

— Non ! fit-elle, c’est indigne ! Je ne puis pas, je ne puis pas le supporter ! Quoi ! tu dis que tu m’aimes, tu m’as demandé toi-même que l’on soit des amies, tu prétends en être une, et tu me caches tout le plus grave de ce qui te concerne !…

(La lèvre retroussée de Sylvie faisait : « Peuh ! quelle importance !… » — Mais Annette ne