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84 L’ÂME ENCHANTÉE

mois de juillet torride, les veilles, la nourriture médiocre, l’eau fade ingurgitée, avaient produit une crise d’entérite avec dysenterie, dont elle était affaiblie. Sous le gril de son toit rôti par le soleil, ses persiennes baissées, Sylvie, à demi nue, la peau brûlante, cherchant un objet frais pour y poser les mains, pensait qu’il eût fait bien bon dans la maison de Boulogne ; et, comme elle était, à défaut d’autres biens, abondamment dotée d’ironie, elle s’égayait de sa stupidité. Elle avait bien travaillé !… Et dire qu’elle et Annette étaient d’accord, au fond !… Maintenant, elles s’étaient butées… Mon Dieu ! qu’on est donc bête !… Nulle des deux ne céderait !…

Et bien sûre, en effet, qu’elle ne céderait point, qu’elle serait bête jusqu’au bout, elle souriait, retroussant sa lèvre pâle, quand elle entendit dans le couloir les pas impétueux d’Annette. Tout de suite, elle les reconnut ; elle bondit sur ses pieds :

— Annette revenait !… Chère fille !…

Elle ne l’attendait pas… Certes, Annette était « la plus bonne !… »

Annette était déjà entrée. Toute rouge de passion et de la chaleur de sa course, elle ne savait ce qu’elle allait faire ; mais à peine entra-t-elle qu’aussitôt elle le sut. Suffoquée par l’atmosphère de four qui embrasait la demi-