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Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/165

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Annette sortit de l’appartement de Sylvie, avec la volonté de n’y plus jamais rentrer. Elle pleurait. Elle brûlait de honte et de colère. Ces deux natures passionnées ne pouvaient cesser de s’aimer, sans approcher de la haine.

Impossible pour Annette de rester sous le même toit ! Si elle en eût eu les moyens, elle eût déménagé le lendemain. Heureusement pour elle, il fallait se plier aux nécessités pratiques : donner congé, chercher un nouvel appartement. Dans sa première fureur, elle eût plutôt mis ses meubles au dépôt et campé à l’hôtel. Mais ce n’était pas le moment de gaspiller son argent. Elle en avait fort peu mis de côté ; ce qu’elle gagnait était à mesure dépensé ; même sans recourir à l’aide de sa sœur, le sentiment d’y pouvoir faire appel, en cas de besoin, lui donnait une sécurité qui la dispensait des soucis trop criants d’avenir. Lorsqu’elle voulut établir maintenant le compte de ce qu’il lui faudrait pour vivre, elle dut, à sa mortification, reconnaître que, livrée à ses seules ressources, son travail actuel n’eût pas suffi à son entretien. Les dépenses étaient allégées par le voisinage des deux sœurs et la communauté d’une partie des repas. Les habillements du petit étaient des cadeaux de Sylvie ; et pour les robes d’Annette, elle ne faisait payer que le prix de l’étoffe. Sans parler des objets empruntés, de tout ce qui étant à l’une pouvait servir aux deux, des menus présents, des promenades du dimanche, de ce modeste superflu qui éclaire l’uniformité quotidienne. Et puis, le crédit dont sa sœur jouissait dans le quartier fai-