Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/17

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Son ouïe, subtile et distraite, comme celle d’un chat, happait l’un après l’autre tous les bruits qui passaient, et paresseusement les laissait retomber ; elle saisit, à l’étage au-dessous, le timbre de la porte d’entrée, et reconnut les petits pas de Sylvie, toujours courante. Annette eût mieux aimé rester seule. Mais elle était si solidement installée dans sa félicité que, n’importe qui viendrait, rien ne pourrait la troubler.

Il y avait huit jours seulement que Sylvie était avertie. Depuis le printemps dernier, elle était restée sans nouvelles de sa sœur. Une aventure personnelle, sans beaucoup l’émouvoir, l’avait assez occupée pour ne pas lui laisser remarquer la longueur du silence. Mais quand, l’affaire liquidée, elle s’était retrouvé l’esprit libre et le temps d’y songer, elle commença de s’inquiéter. Elle vint aux nouvelles, chez la tante de Boulogne. Elle fut bien surprise d’apprendre qu’Annette était revenue, et depuis si longtemps. Elle se disposait à rabrouer l’oublieuse ; mais Annette lui ménageait d’autres sujets d’étonnement : avec une émotion voilée, elle lui avait conté tout uniment l’histoire. Sylvie eut grand peine à l’écouter jusqu’au bout. Qu’Annette, la sage Annette, eût fait cette folie et qu’elle se refusât ensuite au mariage, non, ça, c’était inouï, elle ne le tolérerait pas !… Cette petite Lucrèce était scandalisée. Elle s’emporta contre Annette, elle la traita d’insensée. Annette restait paisible. Il était évident que rien ne la ferait changer. Sylvie sentait qu’elle n’avait aucune prise sur cette entêtée : elle l’aurait bien battue !… Mais le moyen d’en