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Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/172

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De tragiques pensées. Elles n’assombrissaient pas l’ardente Annette. C’est le souffle intérieur qui fait joie ou tristesse, ce ne sont pas les idées. Sous un ciel non troublé, une âme anémique périt de mélancolie. Une âme vigoureuse, exposée aux rafales, s’enveloppe allègrement des ombres comme du soleil. Elle sait bien qu’ils alternent. — Annette rentrait parfois accablée de fatigue, et l’avenir sans lumière. Elle se couchait, dormait ; au milieu de la nuit, une bouffonnerie de rêve l’éveillait en riant. Ou bien, le soir, elle veillait, le front penché sur l’ouvrage ; les doigts allaient leur chemin ; le cerveau allait le sien, et brusquement sur la route cueillait une pensée burlesque : la voilà égayée ! Elle doit faire attention à ne pas rire trop haut, pour ne pas éveiller Marc. Elle dit : « Je suis idiote ! » en s’essuyant les yeux. Mais elle est allégée. Ces détentes puériles, ces soudaines réactions : héritage salutaire, qui lui vient de sa race. Quand le cœur est plein de nuages, la bise de la joie se lève. Et les chasse.

Non, il n’était pas besoin de distractions, de livres ! Annette avait assez à lire en elle. Et le plus passionnant des livres : son fils.