Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/178

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pour qu’il n’eût jamais craint, s’il lui avait plu, de se montrer tout nu. (Il lui avait plu souvent, et l’on citait de lui des mots féroces, qui emportaient le morceau)… Mais non ! C’était plaisir gratuit, humour burlesque, une vocation de théâtre, le goût malicieux de se grimer moralement, afin de mystifier les gens. Le petit en avait hérité, certes innocemment. Son âme inconsistante encore et très hétérogène, nullement bouffonne au fond, s’était glissée en naissant dans ce sac à malices ; et elle usait des organes que Nature lui avait faits. De même que si elle fût entrée dans le corps d’une bête à poil ou à plumes, elle eût essayé son bec, ses griffes ou ses ailes, — habillée d’un pan de la défroque du vieux Rivière, elle retrouvait d’instinct les ruses du grand-père.

Il se tenait sur ses gardes devant les grandes personnes, et il savait lire en elles ce qui le concernait : son génie d’attention était aiguillé de ce côté. Alors, quand il voyait ce qu’ils s’imaginaient qu’il était, il l’était. À moins qu’il ne lui prît fantaisie de les contrarier, parce qu’ils l’agaçaient, ou bien pour s’amuser.

Une de ses occupations était de démonter le mécanisme de ces jouets vivants, de chercher leurs ressorts cachés, leurs points faibles, de les tâter, d’en jouer, de les faire « marcher ». Ce n’est pas très difficile : ils sont assez grossiers, et ils ne se méfient pas. — En premier lieu, sa mère.

Elle l’intriguait. Il y avait de l’énigme en elle. Il avait entendu des allusions à son sujet, dans l’atelier de Sylvie, alors qu’il était assis aux pieds des ouvrières, sans qu’on pensât à lui. Il n’y comprenait pas grand’chose. Mais cela ajoutait au mystère ; et il interprétait. Deviner, inventer… Dans ce corps de furet aux aguets, immobile, les yeux brillants, l’esprit toujours en mouvement.

Maintenant qu’enfermé avec elle, souvent pendant des jours, à cause de sa mauvaise santé, de ses rhumes