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Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/204

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Une matinée de dimanche. Annette était seule chez elle. Marc faisait avec un camarade une partie de balle au Luxembourg. Annette ne faisait rien ; elle jouissait de pouvoir rester sans parler, sans remuer, assise dans son fauteuil, en cette journée de congé ; le flot de sa pensée décrivait des méandres ; elle s’y laissait porter, un peu courbaturée. On frappa. Elle hésita à ouvrir. Troubler cette heure de silence ?… Elle ne bougea point. On frappa de nouveau, on sonna avec insistance. Elle se leva à regret. Elle ouvrit… Sylvie ! Des mois, qu’elles ne s’étaient vues !… Le premier mouvement fut de joie, chez Annette ; et à son expression cordiale celle de Sylvie répondit. Puis, la mémoire revint des griefs, des relations tendues. Et elles furent gênées. Elles échangèrent des questions de politesse, des réponses de santés. Elles se tutoyaient ; et, questions ou réponses, les formes du langage étaient familières ; mais le cœur restait guindé. Annette pensait : « Qu’est-ce qu’elle est venue faire ? » Et Sylvie, si elle le savait, ne semblait pas pressée de le dire. Tout en parlant de ceci, de cela, elle se montrait préoccupée d’une pensée, qu’elle tâchait de retarder, mais qui, à la fin, sortirait. Et, à la fin, en effet, brusquement, elle dit :

— Annette, finissons-en ! Il y a eu des torts, des deux côtés.

Annette, orgueilleuse, n’en admettait pas du sien. Forte — trop forte — de son droit, et n’oubliant pas l’injustice, elle dit :

— De mon côté, il n’y a rien.