Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/22

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— Il sera à qui il lui plaira.

— Oh ! je sais qu’il lui plaira…

— Séductrice !… Et si pourtant, un jour, il te reprochait de l’avoir privé d’un père !

— Je remplirai son cœur si bien qu’il n’y restera pas la plus minime place pour les regrets d’un autre.

— Tu es un monstre d’égoïsme.

— Je l’ai dit.

— Tu seras punie.

— Eh bien, tant pis pour moi, si je ne m’en fais pas aimer ! Rien ne pourra empêcher que je ne l’aime et qu’il ne soit moi.

— Si tu l’aimes vraiment, tu dois penser d’abord à son avenir. Bien d’autres se sont obligées, dans l’intérêt de l’enfant, à subir un mariage déplaisant…

— Tu me révoltes, dit Annette, en me vantant ces femmes qui se condamnent à un mariage de mensonge, et quelquefois de haine, par amour pour l’enfant. Tu me rappelles cette mère qui disait à sa fille qu’elle avait subi pour elle un enfer, en restant mariée. La fille lui répondit : « Pensais-tu que l’enfer fût un bon foyer pour un enfant ? »

— L’enfant a besoin d’un père.

— Comment font-ils, donc, les milliers qui s’en passent ? Combien ne l’ont pas connu ! Combien, l’ayant perdu dans leur petite enfance, ont été élevés seulement par leur mère ! Sont-ils inférieurs aux autres ? L’enfant a besoin d’un amour qui le couve. Pourquoi le mien ne suffirait-il pas ?

— Tu préjuges de tes forces. Sais-tu ce qui t’attend ?

— Je le sais, je le sais ! Autour de mon cou, les petits bras d’un enfant.

— Et sais-tu de quel prix le monde te le fera payer ? Il vaudrait mieux pour toi être une femme mariée quatre fois adultère que ce qu’ils flétrissent du nom de fille-mère. Oser