Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/242

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

deviner. Ses façons bizarres, son air fatal, sa voix fluette qui commençait de muer, son minois de petite demoiselle, rougissant, insolent comme un cochelet, éveillaient l’attention, la malice de ses compagnons ; et même il fut en butte aux avances honteuses d’un de ces petits chenapans, qui le persécutait de ses propositions, mi-bouffes, mi-sérieuses. Il en fut bouleversé ; la nuit, il était malade de révolte et de dégoût ; il ne voulait plus retourner au lycée, mais il ne pouvait en avouer les raisons à sa mère ; il devait seul se faire respecter ; il se disait :

— Je le tuerai.

Sa pensée tumultueuse était soulevée par des lames de fond.

Il était à l’heure où s’éveillent les forces génésiques. Elles le fascinaient et elles l’épouvantaient. L’étrange innocence de sa mère passait à côté, sans voir et sans savoir. Il serait mort de honte, si elle avait su et vu. Et seul, se méprisant, il se livrait, affolé, aux terribles sollicitations de l’instinct dégradant… Mais que peut faire l’enfant, un pauvre enfant livré à ces forces démentes ! Cette monstrueuse nature met dans un corps de treize ans le brutal incendie, qui faute d’aliment le dévore ! Il ne peut se sauver, s’il est de bonne race, qu’en se jetant tout entier, par un excès contraire, dans une exaltation ascétique de l’esprit, qui souvent ruine le corps. La jeunesse de ce temps, plus heureuse que ses aînées, commençait de pratiquer la discipline virile de l’athlétisme. Marc n’eût pas demandé mieux que de faire comme elle. Mais là encore, la nature était contre lui. Il n’avait pas la force. Ah ! qu’il enviait les forts ! Qu’il aimait, jalousement, leur beauté !… Jusqu’à la haine !… Jamais il ne serait comme eux !…

Désirs, tous les désirs, purs, impurs, un chaos !… tous les démons ennemis !… Il serait le jouet du hasard — (Nul ne peut rien pour lui !) — sans un fond de santé mo-