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Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/335

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veux te voir… Tais-toi ! ne réponds pas !… On ne peut parler ici… Je viendrai, ce soir, chez toi.

Elle dit :

— Non ! Non !

Il répéta :

— Je viendrai. Je ne puis me passer de toi. Ni toi de moi.

Elle se révolta :

— Je le puis.

— Tu mens.

Ils luttaient, sans gestes, à voix basse et violente, à coups d’âme. Leurs regards se mesuraient. Celui de Philippe plia. Il implora :

— Annette !…

Mais elle gardait aux joues la brûlure du brutal démenti et la honte de penser qu’en effet, elle mentait. Elle se raidit, se dégagea de la main qui la tenait, et partit.

Le soir, Philippe vint. Tout le reste du jour s’était passé pour elle dans la terreur de cet instant et qu’elle n’eût pas la force de tenir sa porte fermée. Car elle ne voulait plus se retrouver en face de cette passion sans pitié. Elle s’était convaincue de l’impossibilité de vivre avec cette torche attachée à son sein. Il fallait l’arracher, tandis qu’elle avait encore un reste d’énergie. En restait-il assez ? Elle l’aimait. Elle aimait la brûlure qui la consumait. Demain, elle eût aimé la honte et les outrages. Elle rougissait de se l’avouer : jusque dans sa révolte contre lui, ce matin, il y avait un fond de volupté…

Elle reconnut ses pas qui montaient l’escalier. Elle l’entendit sonner et ne bougea pas de sa chaise. Il sonna de nouveau, frappa. Annette, les bras pendants et le buste en arrière, se répétait :

— Non, non…

Même si elle eût voulu se lever pour ouvrir, le souffle lui eût manqué…