Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/102

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peu ont fait leurs premières armes. Mais pas un ne voudrait passer pour ignorant. Et comme ils en parlent, ces petits manants ! Si les femmes se doutaient de ce qui se dit d’elles, dans ces haras d’adolescents, — d’elles, de toutes celles que peut attraper et palper leur imagination excitée, dans le cercle étroit de leurs journées, — des sœurs, des femmes mariées ou non, maîtresses ou servantes, de tout ce qui porte jupe, fût-ce la jupe de Dieu ! La mère seule, est, par une trêve tacite, à peu près, — pas toujours — épargnée. Et quand une se présente, qui n’a d’attaches avec aucun, qu’aucun homme ne protège (possède : rien pour rien !) mari, ou fils, ou frère, — l’étrangère, c’est la proie. L’esprit s’en donne, et les propos !

Oui, mais la proie, quand c’est Annette, est un rude morceau. Qui commence ? Et par où ?

L’étrange femelle !… Tandis qu’ils goguenardent derrière leurs pattes, en fouillant des yeux, elle a un regard précis, dur ou railleur, qui leur cloue la gaudriole au bec ; ils en restent pantois, quand elle leur dit, avec un éclair diabolique :

— Maintenant, Pillois, essuie ta bouche ! ça ne sent pas bon !

Il demande quoi ?

— Ce que tu viens de dire.

Il proteste qu’il n’a rien dit, qu’il a parlé trop bas pour qu’elle l’entendît.