Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/106

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le total de six classes, — qui attirent sa sympathie ; mais il ne faut pas la montrer. Ce sont de petits garçons d’une pâte plus délicate, qui réfléchissent un peu ; on voit des pensées plus fines leur rosir sous la peau ; ils sont sensibles à un mot qu’on leur dit, une attention, un regard ; presque toujours, ils sont suspects aux autres, ou persécutés. Leur aristocratie relative attire l’hostilité naturelle de la tribu ; et puisqu’ils sont sensibles, c’est pour qu’on les fasse souffrir. Il ne ferait pas bon leur témoigner une préférence : ils la paieraient. Et pis, ils l’exploiteraient ; ces petits comédiens, si l’on s’intéresse à eux, ils se croient intéressants, ils veulent l’être, et leur nature est faussée ; ils sont, malgré tout, de l’espèce des autres, cyniques naïvement et roués. Annette doit se contraindre à l’impersonnalité… Qu’elle aurait besoin d’en prendre un dans ses bras, — à défaut de celui qui lui manque !… Marc absent est toujours là. Elle le cherche en chacun. Elle le compare. Et bien qu’elle n’en trouve aucun, cette mère ! qui le vaille, elle tâche de se tromper, elle l’imagine à leur place, devant elle, elle le voit ; elle lit en eux, afin de lire en lui. Ce sont, faute de mieux, des miroirs, pas trop déformants du fils perdu, du fils prodigue, qui reviendra. Que reflètent-ils ?… Hélas ! Ils reflètent les grands. Leur idéal ne va pas plus loin qu’à être ce que sont leurs devanciers.