Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/136

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qui venait à lui, en nageant à travers le courant. Ils se rejoignirent.

Pitan était raccommodeur de faïences et porcelaines, ambulant. Il avait en banlieue un petit magasin, où il effectuait ses travaux plus délicats ; et son ingéniosité lui avait fait adjoindre à son métier la réparation d’objets de toutes matières, bois ou pierre, ou fragiles bibelots. Travailleur libre, il pouvait, mieux que ses compagnons d’usines et d’ateliers, disposer de son temps ; et il le prodiguait, pour la cause. Il s’offrait à porter, d’un bout à l’autre de Paris, les convocations, les brochures, à secouer les oublieux, à réveiller les endormis, à battre le rappel. Marc profita de quelques après-midi de congé dans son lycée, pour accompagner Pitan. Il fut vite fatigué. Ni mauvais temps, ni distance, ne comptaient pour Pitan. Il allait, il allait, de son pas clopinant, dur et sec, de vieux troupier. Il ne s’arrêtait guère, que la tâche ne fût accomplie ; et il ne buvait point. On le plaisantait sur ses vœux de tempérance et chasteté : car on ne lui connaissait pas de liaisons, et il n’était pas marié. Il vivait avec sa vieille mère, qu’il cachait jalousement, et qui le tyrannisait. Fils d’un alcoolique, il avait vu, enfant, les ravages du mal ; et il en portait les tares, dans sa constitution secrètement rongée. Il lui devait, sans doute, d’être