Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/220

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sympathie. L’amour ne supplée pas au manque de l’expérience. On ne traduit pas ce qui est écrit au livre du corps.

— Pourquoi ne pas essayer ? J’ai un tel désir de comprendre, — non par curiosité — mais pour aider ! Je voudrais me rapprocher, humblement, de vos épreuves.

— Je vous remercie. Mais le mieux pour nous aider est de nous les faire oublier. Même entre camarades de « là-bas », dans nos entretiens d’un mutuel accord, nous écartons « là-bas ». Les récits de guerre — livres et journaux — nous ont dégoût. La guerre n’est pas littérature.

— La vie non plus.

— C’est juste. Mais l’homme a besoin de chanter. Et la vie est un thème, qui se prête aux variations. Chantons !

Il s’arrêta pour suffoquer. Annette lui soutint la tête. Il reprit haleine, et s’excusa en la remerciant. Sur ses traits creusés, le sourire était de retour. Une goutte de sueur, au front. Ils attendirent sans parler. Ils se regardaient affectueusement…

Germain Chavannes avait un peu moins de trente ans. Il avait grandi dans ce milieu de bourgeoisie provinciale, bien pensante, libérale, mais imbue des préjugés d’esprit, d’ailleurs solides et