Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/223

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de connaître !… Les dieux ? C’est trop loin. Mais ceux que j’ai sous la main. Les bêtes et les gens… — Ma première découverte fut que, depuis des millénaires, gens et bêtes aient vécu si proches, sans faire effort pour se connaître… Oui, leur poil et leur viande… Mais ce qu’ils pensent, ce qu’ils sentent, ce qu’ils sont, — les gens ne s’en sont point souciés. Ils ne sont pas curieux ! Ils n’aiment pas à être troublés. Pour ménager leur pensée, ils la refusent aux animaux… — Mais voici qu’ouvrant les yeux, j’aperçois, ébahi, que les hommes entre eux ne se connaissent pas mieux. Ils ont beau se mêler. Chacun vit plein de soi, et ne s’inquiète pas de toi. Mon voisin, si ton rythme, s’accorde avec le mien, tout va bien, tu es mon prochain. S’il s’en écarte, tu es l’étranger. Et s’il le heurte, l’ennemi. Le premier, je le gratifie généreusement de ma propre pensée. Le second n’a plus droit qu’à une pensée du second degré. Et quant au troisième, ainsi que dans Malborough, — « le troisième ne portait rien », — il n’a droit à rien du tout : je lui dénie la pensée, ainsi qu’aux animaux. (Les Boches sont-ils des hommes ?)… Au reste, que « l’autre » soit du premier, du second, ou du troisième degré, dans les trois cas, je ne le connais pas, et je n’essaie même pas. Je vois moi, j’entends moi, et je cause avec moi. Moi grenouille. « Mo-a ! »… Quand m’enfle la passion ou bien le