Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/291

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de rencontre ; Marc s’acharnait à les décortiquer, à trouver au fond du grain le ver, le vide, ou l’ordure. — Et parmi ces déchets, un grain avait résisté, un seul : le cœur de sa mère. Il avait eu beau s’y escrimer, du bec : il n’avait pu l’entamer. Il ne savait pas encore ce que valait la farine. Mais qu’il restât intact, sans trace corruptible, qui inspirait le respect et le désir inavoué d’y entrer… Il aimait bien Sylvie ; mais c’était avec une pointe de mépris affectueux, qui ne manquait pas de retour. Il savait qu’il pouvait compter sur sa complicité, et il lui en savait gré, car il aimait qu’on fût injuste, à son profit — (à condition qu’on ne fût point dupe : il était impitoyable pour les sots). — Mais il faisait la différence entre Sylvie et Annette. Annette était une âme dont il valait la peine de réussir la conquête. Car de ceci il s’est rendu compte aussi, depuis six mois : que sa mère l’aime, mais qu’il ne la tient point. Cet amour maternel est un instinct fort et sûr ; mais Marc veut davantage : plus qu’aimer, — connaître et être connu, posséder le plus secret, le meilleur, non pas la mère, — l’être. La mère est la même pour tous : la couveuse anonyme. Mais chaque être a son essence cachée, qui ne ressemble à nulle autre, qui fait son odeur propre. Il percevait l’odeur. Il voulait parvenir, sous la