Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/305

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sache rien ! Il s’agit, pour le moment, de ranimer en lui la volonté de vivre et de le décider au départ : si peu d’espoir qu’offre ce changement d’air, c’est la chance dernière, et on doit la tenter. Germain est lent à s’y résoudre ; il ne voudrait partir qu’à la veille de l’action, quand il sera tout à fait sûr. Et le projet demeure encore bien vague. Il faut tout l’égoïsme de la passion, pour ne pas voir les dangers mortels où il va jeter Annette et son ami. S’il les voyait, ce ne serait pas avec les yeux des vivants : la mort lui monte déjà jusqu’aux épaules. Afin de l’apaiser, on lui offre, en attendant, le simulacre des approches de l’action problématique. Par Marcel Franck, Annette obtient que le jeune Autrichien bénéficie d’un traitement de faveur. On l’éloigne du camp, pour raisons de santé. On l’autorise à loger en ville, sans contrôle astreignant, sous prétexte d’études qui intéressent l’art français. Ces inégalités de traitement ont été, dans la guerre, moins rares qu’on ne pense. Tel privat-docent de Berlin circule, sans surveillance, dans une ville du Centre. Soixante internés allemands de marque sont dans une bonne pension de Camac, avec leurs femmes ou leurs maîtresses, et ont leurs coudées franches sur un domaine de cent hectares. Après que la fermentation des premières