Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/33

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fond de sa nature, qui ne demande à la vie que les bonheurs naturels, la terre, l’air et l’eau, et toutes les saisons, la santé, le soleil, l’amour du bien-aimé, — si le bien-aimé ne cherchait le bonheur de la vie hors la vie, dans les idées. Alors, elle s’étudie à l’y chercher, avec lui. Et tout ainsi, docilement, cette petite Helvète qui, seule, n’eût point eu de raison pour prendre parti dans la querelle des nations, apprend par cœur le catéchisme français républicain. Révolution de l’an I et Droits de l’Homme armé, — la foi de son fiancé… Ah ! si elle s’écoutait, comme elle l’emporterait dans ses bras, à l’abri de la mêlée ! Que cette guerre l’oppresse ! Qu’elle est loin de sa pensée !… Mais elle se le reproche, puisque le bien-aimé voit et juge autrement : elle est faible, elle a tort. Pour être digne de lui, elle doit se fermer les yeux, et voir par ses yeux à lui… Ô mon amour, je veux croire, puisque tu crois, je crois…

Elle se refuse à croire, — la seule de la maison, — Clarisse Chardonnet, la voisine d’Annette, sur le même palier. Non, non, son amour à elle n’est pas de ceux qui se sacrifient, qui sacrifient l’aimé à la fausse foi de l’aimé !… Ce n’est pas vrai, d’ailleurs ! De foi, il n’en a pas : il n’a que le respect humain, la peur de l’opinion. C’est un employé de banque, médiocre, gentil garçon,