Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 4.djvu/34

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laquelle on n’a point pensé, et qui, si on lui trouve la serrure et qu’on ouvre, révèle qu’on est restés, l’un à l’autre, étrangers… Mais, par bonheur, les occasions d’ouvrir ne s’offrent presque jamais. Et de la petite clef, les bonnes amitiés, qui sont probes et discrètes, ne demandent jamais l’emploi. L’amitié de Germain et d’Annette était sans exigences et sans curiosité. Chacun donnait à l’autre ce que l’autre attendait.

Mais de Franz, on ne savait qu’attendre. C’était ce qui éloignait. C’était ce qui attirait. On avait beau le connaître : on ne le connaissait pas ; il ne se connaissait pas lui-même. Il avait l’air tout enfantin, tout simple : il l’était ; mais quand on entrait, on ne faisait pas dix pas, qu’on avait perdu la route ; on piétinait, à l’aveuglette, sur une terre inconnue. Tout le trousseau de clefs d’Annette s’essayait mais en vain à en ouvrir les portes : elles ne tournaient point dans les serrures. — Hors une : la petite, justement, celle dont Germain n’usait point : la clef du « je ne sais quoi » (comme on disait, au siècle du Grand Roi, où l’on avait bien soin de n’y pas regarder de trop près !…) Annette, pas davantage, ne se complaisait à faire l’inventaire de ces recoins de l’âme.