Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 4.djvu/39

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silhouettes d’arbres et des cimes, comme des visages d’hommes couchés, lèvres crispées, le nez pincé, — sans y penser, tout en parlant. Et Annette regardait ses doigts parler, en écoutant sa bouche qui bavardait de balivernes. Elle répondait, à l’étourdie. Et elle pensait, sans le nommer, à celui qu’ils avaient laissé gisant… Et soudain, elle s’hypnotisa sur les doigts qui dessinaient, machinalement, une tête qu’elle reconnaissait, — une tête de mort… Elle se tut. Franz continuait son chant. Un nuage passa sur le soleil. Et le silence fut un trou noir dans la lumière. Franz s’arrêta, regarda ses doigts, suffoqua, comme si un serpent se fût levé… Ses mains se crispèrent, se refermèrent sur la feuille, la mirent en boule. L’album, lancé, roula en bas. Et, d’un bond, Franz, relevé, reprenait son vol effaré sur les champs de neige, suivi d’Annette, — sans parler…

Après souper, le soir, fidèle à sa promesse, quand elle retourna chez Germain, le malade l’accueillit, d’un visage glacé. Il avait combattu une cruelle journée. Il en voulait à ceux pour qui la journée avait été douce. Il reprocha à Annette de venir si tard ; et il lui demanda sans bonté s’ils s’étaient