Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/13

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Ils avaient dû refermer la porte-fenêtre sur le balcon. La houle de la rue s’enflait comme une marée. Il y passait des rafales. Des hurlements, des cris en vrille, des rires perçants. Par des trous de silence, on entendait piétiner l’énorme masse invisible. La bête reprenait souffle. Puis, de ses flancs montait un mugissement de taureau.

Sylvie n’y put tenir. Ses narines battaient. Elle s’esquiva, voulant entraîner son neveu. Elle disait qu’on ne pouvait pourtant pas se chambrer, un jour pareil : qu’on en pense ce qu’on voudra, il faut voir et goûter. (Ce que Sylvie goûtait, ce n’était jamais à moitié !…) Mais Marc se refusa à la suivre, avec trop de colère pour que sous son mépris il n’y eût point une peur et un désir. Et il avait passé l’après-midi entier avec sa mère, dans l’appartement fermé, où de bonne heure se glissa l’ombre de novembre. Le grondement du dehors grossissait, d’heure en heure. Marc, assis sur son lit, se mordait le dos des mains. Annette essayait d’occuper ses doigts et ses pensées ; dans le coin de sa chambre le plus éloigné de la fenêtre, elle cousait, à la lueur de la lampe. Mais, percevant le désarroi de son fils, elle jeta son ouvrage et vint s’asseoir sur le lit, près de lui. Elle lui prit la main, et il ne la retira point, mais il tournait obstinément la face vers le mur. Elle le regardait, avec un sourire de pitié ; elle baisa le jeune cou, au-dessous de l’oreille, et lui souffla : — « Sors, mon petit !… ». Il secoua violemment la tête : — « Non ! »