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Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/301

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tu tomberas dans la toile de celle qui pourra le plus te nuire. Tu ne voudrais pas d’une tout unie, de tout repos, dont tu sois sûr. Il ferait trop jour ! »

— « C’est peut-être vrai. »

— « Chacun des deux sait mieux le destin de l’autre, ce que l’autre doit faire pour son bien. Et naturellement, l’autre ne le fera pas ! »

— « Alors, je n’ai pas trop mal vu — tu en conviens ? — ce que tu devrais être, ce que tu es ? »

— « Ce que je ne suis pas. Oui, cette vie que je mène à Paris, tu as dit vrai, je m’y massacre. Je suis née Ruche, une ruche à moi, au soleil ardoisé de ma Loire. Mais ces énormes termitières, avec leurs champignons de pensées empoisonnées, me gorgent de dégoût et d’horreur. Je voudrais pouvoir y fiche le feu. Vivement, les gaz, qu’on en finisse avec ces saletés ! »

— « Eh bien, va-t’en ! Fuis ! Retourne aux champs ! »

— « Je ne peux pas. »

— « Pourquoi ? »

— « Il y a mon vieux. Il m’a défiée. »

— « Tu crois que la leçon que tu lui as donnée ne suffit pas, pour qu’il se tienne sage ? »

— « Oh ! je ne le crains plus ! Il est malade. Il se tiendrait coi. Il n’aurait qu’une peur, c’est que je reparte. »

— « Alors ? ».

— « Alors, c’est à lui de faire les premiers pas. »

— « Qu’il demande pardon ? »

— « Qu’il tende les pouces ! »

— « Et s’il ne le fait, tu ne bougeras pas ? »

— « Non, sûrement non ! »

— « Tête de bourrique ! »

— « Tête de bique !.. »

Il recommença ses exhortations. Elle écoutait, elle se taisait, elle trouvait in petto qu’il avait raison. Mais elle était bien résolue à garder son tort.