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Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/66

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elle ne se croyait point le droit de le priver d’une aide, s’il en jugeait ainsi. À son âge, c’était à lui de prendre ses responsabilités. Elle le lui dit, en évitant de jeter sur sa sœur un discrédit qui influât sur la décision de Marc. Celui-ci était trop pénétrant pour ne pas lire dans une pensée qui lui était devenue familière. Il comprenait, il approuvait secrètement cette tranquille intransigeance. — Mais il n’était pourtant pas disposé à l’imiter. Pas pour l’instant. Il ne voyait pas pourquoi, si on lui offrait la pomme, il se refuserait l’occasion d’y mordre et de connaître un monde aventureux. Il entendait bien qu’un coup de dents ne l’engageât à rien ; et le méfiant garçon — (il connaissait, aussi bien que sa mère, Sylvie l’accapareuse et ses ruses pour mettre sur vous le grappin) — s’était fixé par avance cette règle d’accepter d’elle le moins possible : car il savait que sa tante n’oubliait jamais l’argent qu’elle avait donné, même à ceux qu’elle aimait… Oh ! ce n’était pas à l’argent qu’elle tenait ! Elle tenait à ce qu’elle pouvait tenir, avec. Il lui plaisait de penser que, par cette créance, ceux qu’elle aimait, ceux qu’elle voulait, lui appartenaient. Jamais elle ne le leur rappellerait ; mais elle comptait qu’ils s’en souviendraient. C’était comme un acte secret qu’ils avaient signé avec elle ; et qu’ils le reconnussent tacitement, elle n’en voulait pas plus. — Elle voulait trop. C’était ce qu’un jeune garçon impatient du mors pouvait le moins tolérer. Il n’irait pas au râtelier.

Annette n’avait là-dessus nulle inquiétude. Elle était sûre de l’indépendance de son poulain. Et par avance, sa bouche mobile souriait malicieusement au film invisible qu’elle déroulait : Sylvie troussée, pêcheuse à la ligne, jetant l’hameçon au petit poisson, qui, curieux, mais soupçonneux, le frotte du nez, dédaigneux, et passe. Le bouchon tremble. La ligne se tend. La main qui guette, la fait, d’un coup sec, sauter hors de l’eau. L’hameçon est vide. L’appât a