erreur que des vérités contraires. Elle lui donne goût à vivre. Elle lui soutient le menton au-dessus de l’écume. Sans elle, il n’aurait plus que lui, lui seul, le seul intérêt de soi — l’ardeur de connaître, sans doute, et de voir, et de prendre, et d’être, — mais pour soi seul… Seul !… C’est terrifiant !… Il faudrait être plus fort qu’un garçon de vingt ans pour le porter sans convulsions. Luce le porte, parce qu’il n’y pense point, il se défend d’y penser, il ne s’arrête pas pour regarder au fond ; il fuit, il fuit à la surface…
Marc ne peut fuir, en rien. Ni dans le plaisir, ni dans la peine. Le fond émerge de la mer, comme ces îlots volcaniques que projette le feu intérieur, et qui s’effondrent dans un frisson perpétuel du gouffre. Il campe sur un sol miné. C’est pourquoi il cherche des yeux, au dehors, une main — la main des hommes, à saisir… — Pour qu’ils le sauvent ? Non, il sait bien qu’il n’a rien à attendre d’eux… Pour les sauver ! Même quand on la sait une illusion, la pensée d’avoir charge d’âmes, en peuplant notre solitude, prête aux natures généreuses des énergies décuplées.
— « Joue ton rôle ! lui dit Luce, indulgent. Je serai le public. »
— « Un public tel que toi, dit Marc avec amertume suffit à tuer la pièce. »
— « Il t’en faut un, pourtant. »
— « Ce sera donc moi. Je serai le public et l’acteur et la pièce. Je le sais, je le sais que je suis l’étoffe d’un rêve ! »
— « De le savoir, c’est quelque chose ! » acquiesça Luce, échangeant avec lui un regard d’intelligence. « C’est plus que n’en soupçonneront jamais nos compagnons. »