Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/104

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La vie, coupée en tronçons — les deux du couple désemboîtés, l’enfant des deux, la mère des trois — se remit en route, en tirant à hue et à dia. Il y avait trop de vie dans chacun des tronçons, pour que la vie s’arrêtât. Mais plus il y a de vie, plus de capacité pour souffrir. Le seul à qui la souffrance fût épargnée, c’était l’enfant. Il n’avait pas à se plaindre du changement. Il était, chez la grand’mère, le petit dieu du foyer : on avait l’air de le dédommager en gâteries de ce qu’il n’avait pas conscience d’avoir perdu. Mais il était, comme tous les enfants, trop malin pour ne pas avoir saisi d’emblée son rôle intéressant et pour ne pas en profiter. Quant au sens vrai de l’aventure, il lui restait obscur ; mais on ne devait pas trop s’y fier : s’il ne savait, il avait le nez au vent ; la curiosité primait en lui les autres sentiments. Point du tout ému ! C’était un jeu très amusant : chercher la piste. Mais un jeu de plus, entre beaucoup d’autres. Il passait de l’un à l’autre, sans suivre le lièvre. — De loin en loin, il recevait la visite de sa mère, ou de son père, tous deux également tendus et affairés, le sourcil froncé ; ils se croyaient tenus de lui apporter, chacun de son côté, des cadeaux ; et ils l’embrassaient avec beaucoup plus de vigueur que quand il était dans leur maison. Il les laissait faire :