Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/117

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constatons, nous expliquons, nous procédons à l’analyse et à la synthèse, nous n’avons pas à prendre parti. »

— « Impassibles comme la nature ? Engeance de monstre, monstres vous-mêmes… »

— « Vas-y, vas-y ! l’hydre de Lerne… »

— « C’est vous, les têtes. »

— « Et ça t’irait, d’être l’Hercule ? »

— « Ah ! que n’en ai-je les biceps ! Tout ce qui compte, dans l’histoire de l’homme, sa raison de ivre, c’était de dompter la nature. Mais aujourd’hui, le dompteur est dompté. Vous trahissez. Il faudrait vous coller tous au poteau. »

— « Tu voudrais détruire la science ? »

Marc dit, furieux :

— « C’est toute la civilisation qu’il faut détruire. »

— « Cré bolchevik ! Va à Moscou ! »

— « Et pourquoi pas ? »

Il se mordit la langue. Il enrageait de ce qu’il avait dit. Mais il ne voulait pas se démentir. Il dit :

— « Faire table rase… »

Félicien, goguenard, toujours placide, surenchérit :

— « La création est à refaire. Coup nul ! On recommence… »

— « Pas moi ! » dit Marc, « Une fois suffit. Je fous le camp ! »

Il claquait la porte, en partant. Félicien, sursautant, jurait :

— « Mais, nom d’un chien ! Fais donc attention ! Tu vas me casser ma vaisselle ! La baraque ne tient pas ! »

Cet homme tranquille entrait à son tour en furie.

Par réaction, Marc fut déchargé de la sienne. Il rit :

— « Il aime ses fioles plus que les hommes. »

Mais il n’était pas fier du rôle qu’il avait joué. C’était lui-même qu’il avait fessé sur le derrière d’un autre.