Marc fut quelque temps avant de se ressaisir ; ses oreilles bourdonnaient ; il eût voulu ramener Jean-Casimir à l’autre piste. Mais c’était trop tard ; et il se renfonça avec fureur dans l’entretien sur ces choses d’argent, de ruse et de pouvoir, — cette politique qu’il haïssait.
Jean-Casimir était, pour l’instant — pas pour longtemps — attaché à l’ambassade de Berlin. Il avait des raisons d’être bien informé des conciliabules politiques ou financiers franco-allemands : il y jouait un rôle. En bon petit renard, qui a flairé d’où vient l’odeur, l’odeur maîtresse — (quel nez bouché a bien pu dire que l’argent n’en avait point ?) — il avait choisi des deux pouvoirs : l’État, l’Argent. — le plus réel. Il servait les grands barons d’industries, sous la livrée de l’ambassade. Même son ambassadeur ne savait rien de ses manèges. Il y avait deux politiques françaises, simultanées, non pas précisément opposées, mais superposées : celle de parade, celle de fond. Jean-Casimir évoluait de la surface au lit de la rivière, comme une ablette, entre deux eaux. Ce qui le guidait comme toujours, ce n’était pas son intérêt, (encore qu’il fût adroit à happer ; mais il avait si peu d’appétit ! Il lui suffisait de mordiller la tête de la mouche), c’était le jeu. Il eût été un roi du jeu, sans un défaut, qui n’était pas petit : — bien jouer ses cartes l’amusait moins que lire dans celles de l’adversaire ; — et un autre défaut, qui était pire : le bout de la langue un peu trop long. Il aimait trop à rire à deux, soit dans son lit, soit en tête-à-tête avec le premier compagnon de rencontre, dont la physionomie lui agréait. Il savait pourtant, mieux que personne, combien l’on paye les oreilles. Il avait été, pendant un temps, le contrôleur de celles d’un bataillon de belles-de-nuit. Mais il avait trop d’esprit à dépenser. Il s’en remettait à son esprit de