Les premiers temps de leur amour furent enivrants. La lune de miel brûlait comme un soleil. Il y avait dans ce miel un feu caché, un alcool. De quelles plantes les deux abeilles l’avaient-elles pompé ? Ce n’était point des seules fleurs du printemps. Elles avaient toutes les deux goûté prématurément aux sucs de l’été, et, dans le nombre, à d’assez acres et dévorants. Le jeune amour, en les mêlant dans son alambic, en avait fait un philtre merveilleux. Tout était neuf, tout était pur, tout était flamme. Est-il rien que ne renouvelle et que ne lave la flamme ? (Mais qu’en restera-t-il, après ?)
Ils passaient des jours et des nuits, oiseaux fous, bouche à bouche, agrippés, buvant leur souffle, par toutes leurs griffes agrafés, comme deux vaisseaux éperonnés, entrés jusqu’au cœur de la place. Ils restaient des jours et des nuits, enfermés, la fenêtre de la chambre entrebâillée, refusant de sortir, refusant d’ouvrir, se dévorant, jamais rassasiés, épuisés.
Annette, qui réussit à forcer la porte, les trouva sur leur lit — ils ne prenaient point la peine de se cacher — ivres, hagards, heureux, brisés, brûlants de fièvre et de volupté. Et Assia, étreignant la tête de son garçon, défiait Annette, avec des yeux avides et farouches.