Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/165

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elle se refusait à rentrer jamais dans son hôtel, ni au théâtre. Ange, qui avait passé des heures à son chevet, et qui avait recueilli de sa bouche ses confidences, ou qui les avait reçues, toutes chaudes et nues, sorties de la fièvre, par l’entremise de la garde qui la veillait, en savait plus qu’il n’en disait, — et probablement qu’il n’y en avait. Marc voyait bien que Colombe n’avait pas fait mystère de sa passion pour lui, mais Ange imaginait qu’à cette passion il avait répondu et qu’ils avaient été amants. Peut-être elle-même, à force de le désirer, y croyait. Dans tous les cas, elle y laissait croire. L’honnête curé, hochant la tête, regardait Marc d’un air de reproche, mais affectueux ; et il avait l’air de vouloir dire ce qu’il ne disait pas, ou bien d’attendre ce que Marc ne disait pas non plus… Qu’est-ce qu’il voulait ?… Il hésitait, et il toussait ; puis, il parlait à Marc d’un autre sujet, du propre drame conjugal de Marc, car il était bien informé ; mais le mot : « conjugal » n’était pas prononcé ; il avait soin de ne pas dire : « votre femme » : pour lui, sans sacrement, l’union n’était pas valable ; et la rupture, en somme, ramenait Marc dans les voies de l’ordre. Il tâtonnait, il pataugeait… Et brusquement, Marc comprit : le saint homme aurait voulu que Marc, redevenant libre, épousât vertueusement sa sœur Colombe. Ainsi, tous péchés, après pénitence, seraient remis, ad majorent gloriam Dei, et conformément aux intérêts de la famille. Le curé Ange était sincère dans sa piété ; sincères aussi, le bon frère qui veut le bien de sa petite sœur, et le madré paysan de Paris qui n’oublie pas les lois humaines et leurs ficelles. Il ne restait à Marc qu’à se fâcher, ou à faire la bête. Il la fit. Il fut atteint d’une déplorable surdité. Le curé Ange eut beau tousser et élever le ton ; abandonné seul, sur un terrain compromettant, il fit quelques pas, il s’embourba, il s’arrêta,