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Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/390

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— « Qu’ai-je à te confier ? Indiscret, tu entres partout. Tu sais tout. »

— « Puisque je sais, avoue ! »

— « C’est déjà fait. »

Ils se regardèrent dans les yeux. Marc, à mi-voix, demanda :

— « Qu’est-ce qui t’arrête ? Tu crains de faire tort à l’un des deux ?… »

Annette, de la main, lui intima le silence :

— « Assez, mon Marc ! N’en parlons plus !… Je t’en reparlerai peut-être, dans quelques mois. J’ai besoin d’y penser, seule. Tu me troubles… Mais j’aime mon trouble, puisqu’il me vient de toi. Merci de m’avoir forcée à voir clair en moi ! »

Ils restèrent l’un auprès de l’autre, sans parler, regardant à leurs pieds la vallée. Annette dit…

— « Mon grand fils ! »

— « Sais-tu ? » dit Marc. « Je me retiens pour ne pas te dire : ma petite cadette… »

— « Et je le suis », dit Annette. « On rapetisse, en vieillissant. Et tu as grandi. C’est toi, à présent, mon aîné ! »

— « Appuie-toi donc ! »

Annette s’appuya. Ils écoutèrent, dans la vallée, le grondement d’un train qui passait. Annette dit :

— « C’est beau, d’en être arrivé à ce degré où l’on n’est plus que deux frères ; et c’est la sœur qui dit au frère : — « Tu es le chef. Guide-moi, à ton tour ! »

Marc lui avait pris la main. Et à cet instant — l’angélus de midi sonnait d’en bas — ils eurent tous deux l’impression vive, non définie, qu’un cycle de leur vie était accompli. C’était la lumière profonde d’un beau jour… Mais il y avait, après, la nuit. Car, au delà de cet